Histoire de l'Ar'Kalyven




'Ar'Kalyven est un vaste pays situé au nord-est d'Oneira dans lequel sont pratiqués les trois cultes temporels. Si sa fondation date vraisemblablement du début du second siècle - aucune date précise ne peut être avancée - son histoire plonge ses racines plus profondément.
Le pays aujourd'hui connu comme l'Ar'Kalyven a vraisemblablement été occupé, bien avant l'apparition des humains, par d'autres races qui ont marqué l'espace en laissant derrière eux de vastes vestiges. Selon le professeur Aklë'Ektans, spécialiste des Dragons, il est plausible que des communautés de Dragons de Pierre aient jadis vécu là ; il appuie cette thèse sur la présence de grands blocs de roche manifestement taillés retrouvées dans les montagnes du coeur du Dord-Kalyav et sur la présence aujourd'hui de nombreux Dragons Descendants (Dragons de Fer, généralement).
La présence de Bâtisseurs dans le futur Ar'Kalyven est plus assurée : la conception de nombreuses cités peut leur être attribuée sans réel risque d'erreur et l'architecture typique du pays (flèches élancées et élégantes, tour hautes et fières) est clairement inspirée par des réalisations de Bâtisseurs.
L'occupation humaine en Ar'Kalyven est également fort ancienne, puisque le pays appartenait déjà au neuvième millénaire avant l'An 0 au premier empire humain, dit empire de Luvao. Cela a toute son importance dans la mesure où l'une des dirigeantes mythiques de cet empire, Kaly, est également la déesse des cultes temporels et l'icône tutélaire de l'Ar'Kalyven. La filiation par rapport à l'empire de Luvao est parfois revendiquée, surtout en Dord-Kalymen (où est célébré le culte du Passé), encore que cela se fasse au prix de quelques distorsions historiques, puisque le rôle de l'empire dans le déclenchement des guerres qui ont ensanglanté les premières ères des Hommes (en particulier la Guerre des Gardiens) est occulté en grande partie.
Il est à noter que cet empire - qui s'étendait bien plus loin que l'Ar'Kalyven, qui n'en était d'ailleurs pas non plus le coeur - a disparu vers -8000 suite à la Guerre des Gardiens. Lui a succédé l'empire d'Andyr, qui se considérait comme l'héritier de Kaly, et s'est effondré vers -4300 après une guerre qu'il avait vraisemblablement déclenchée.
Après la disparition de l'empire d'Andyr, le futur Ar'Kalyven disparaît pour ainsi dire de l'histoire : il est fort difficile de savoir ce qui s'y est déroulé, encore que des recherches archéologiques récentes menées par des membres du Hall de la Mémoire de Kaltera aient permis d'avancer des hypothèses intéressantes. (...)

a région réapparaît véritablement après la Troisième Guerre Humaine, après plus de quatre mille ans d'éclipse, et après, bien entendu, la mort définitive de Kaly, qui avait fondé le culte du Temps au cours de ses nombreuses réincarnations. Les premiers siècles après l'An 0 font l'objet de recherches intenses de la part du culte du Passé, mais demeurent encore fort méconnus.
Tout au plus sait-on qu'un pays est fondé durant le premier quart du deuxième siècle, l'Ar'Kalyven. Ses fondateurs se présentent comme les héritiers de Kaly et relancent le culte du Temps, qui était jusqu'alors en sommeil. Les principes de ce culte sont extrêmement obscurs car ils ont été balayés au troisième siècle, lors de la période communément appelée "�ge des Prophètes". Il est donc impossible d'établir le degré de fidélité des principes de ce culte vis-à-vis de l'enseignement de Kaly.
Les débuts de l'Ar'Kalyven nous échappent en grande partie. Il est probable que, dès l'origine, il se présente sous la forme d'une monarchie dans laquelle une reine incarnait Kaly revenue sur Oneira et prétendait représenter l'unité du Temps. C'est du moins ce qu'il ressort des documents ultérieurs que nous possédons, en particulier les actes du concile de 337 puis les Chroniques écrites dans les années 420.
Cette organisation dont la reine est la clef de voûte se trouve cependant ébranlée durant la deuxième moitié du troisième siècle et l'�ge des Prophètes. Ce terme fait référence à l'apparition de visions divergentes de ce qu'est le Temps, promues par des dignitaires importants du culte. Les débats qui agitent alors la hiérarchie religieuse nous échappent presque totalement car aucun écrit de l'époque n'aborde ces questions de manière ouverte, et les actes du concile se contentent de sanctionner l'éclatement du culte du Temps. Les chroniqueurs sont généralement tentés de faire remonter à cette période l'apparition des cultes du Passé, du Présent et du Futur qui ont cours actuellement en Oneira, mais pour certains historiens contemporains de Laiirna, il s'agirait d'une reconstruction artificielle car de nombreux indices montrent que les trois cultes ont connu des évolutions majeures au fil des siècles ; pour eux, les cultes originels n'ont donc que peu de liens avec ceux que nous connaissons désormais, à l'exception du culte du Passé qui a sans doute préservé plus de traditions - encore qu'elles aient pu être distordues. Toujours est-il que l'�ge des Prophètes semble avoir bouleversé l'Ar'Kalyven, mettant à mal l'unité du pays, l'autorité de la reine et de son clergé. Aucune trace de guerre civile n'a en revanche été retrouvée : s'il y a certainement eu des moments où les débats cultuels ont dégénéré, les effusions n'ont semble-t-il pas pris une tournure aussi radicale ni générale.

a crise religieuse s'interrompt en 337, lors de la réunion à Kaltera, la capitale, d'un concile général du culte du Temps réunissant l'ensemble des hauts dignitaires, quelle que soit leur vision du Temps. Le concile, convoqué par la reine, semble avoir duré plusieurs lunes ; son objectif, la réunification du culte, ne peut être atteint, les positions de tous s'étant trop éloignées durant les décennies antérieures. Aussi le concile se borne-t-il à reconnaître la division du culte du Temps : trois cultes distincts naissent officiellement, basés chacun sur l'une des trois facettes du Temps.
Bien que l'autorité de la reine ait déjà à ce moment beaucoup faibli (et l'échec du concile convoqué par cette dernière le montre bien), l'unité politique du royaume est réaffirmée. La tension inévitable entre dissension religieuse et unicité du souverain ne semble pas avoir été réellement identifiée, l'attachement à la figure de Kaly demeurant fort. Pourtant les problèmes ressurgissent une fois le concile achevé. Les reines d'Ar'Kalyven adhèrent au culte du Passé et se considèrent comme les gardiennes des traditions du pays : leurs décisions, visant à maintenir un statu quo voire à favoriser un retour vers ce qui est perçu comme un âge d'or, entrent en contradiction avec les aspirations des adeptes des cultes du Présent et du Futur. Les querelles religieuses se ravivent ainsi dès qu'une décision politique est contestée, chaque camp prêtant à l'autre des arrière-pensées peu recommandables - ce qui d'ailleurs n'est pas absurde.
Aussi, à partir des années 360, l'autorité de la reine se heurte-t-elle à des mouvements à la fois religieux et politiques qui prônent l'autonomie vis-à-vis d'une figure perçue comme hérétique ; ces mouvements rencontrent un fort écho dans la population et les adeptes du Présent et du Futur commencent à se regrouper en communautés religieusement homogènes (ce mouvement s'inscrit dans la longue durée, puisqu'il n'est pas achevé en 420). Les problèmes religieux et politiques s'alimentant les uns les autres, les factions les plus radicales de chaque culte tendent à s'imposer ; aussi l'idée d'une séparation définitive des cultes du Temps fait-elle son chemin dans l'esprit de certains.

a situation est donc particulièrement tendue lorsqu'en 410 une nouvelle reine monte sur le trône d'Ar'Kalyven. Versane, fille de la précédente reine, a été élevée par un prêtre du Passé acquis aux idées traditionalistes ; elle a depuis son enfance manifesté à plusieurs occasions sa sympathie pour l'idée d'une réunification religieuse du pays forcée, sous la houlette du culte du Passé. Aussi son couronnement met-il le feu aux poudres : pour la première fois depuis le concile de Kaltera, les dignitaires du culte du Futur et du Présent refusent d'assister à la cérémonie, qui se déroule donc uniquement selon les rituels du culte du Passé. L'intransigeance de la reine Versane et de ses conseillers conduit la cité de Kalenir, peuplée d'adeptes du Présent, à proclamer leur indépendance à la fin de l'année 410 ; leur exemple est imité par les adeptes du Futur en 411.
Une période très troublée s'ouvre à partir de la proclamation d'indépendance de Kalenir. La séparation des trois cultes, effective sur le plan théologique depuis 337, manifeste sur le plan politique dès les années 350, s'est progressivement transcrite géographiquement avec l'homogénéisation religieuse de trois grandes régions. Or, entre 410 et 419, chacune de ces régions se dote de ses propres dirigeants, issus de son culte, et dénie aux dirigeants des deux autres régions toute légitimité. Cette décennie est donc désignée comme la Décennie des Trois Royaumes. Les relations entre les cultes du Temps sont interrompues, des affrontements (limités) s'observent dans les zones intermédiaires et les adeptes d'un culte vivant dans une région où ce culte n'est pas majoritaire doivent endurer des vexations diverses - allant jusqu'au massacre par la populace, en plusieurs occasions. Tout cela accélère les migrations internes : à chaque région sa foi.

a décennie la plus troublée de l'histoire de l'Ar'Kalyven prend fin avec la mort de la reine Versane et l'accession au trône de sa fille Parsane, beaucoup moins désireuse d'imposer le culte du Passé (bien que sa foi ne fasse aucun doute). La nouvelle reine manifeste au début de l'année 420 son désir de mettre fin au conflit en convoquant un nouveau concile général, réunissant les trois cultes du Temps. Les réticences les plus marquées se rencontrent au sein de la hiérarchie du Passé, mais la reine y coupe court en imposant finalement ses hommes à la tête du culte.
Le concile de 420 se réunit à Kalenir, en signe de bonne volonté de la part de Parsane. S'il ne parvient pas plus que celui de 337 à restaurer l'unité religieuse, il met fin aux affrontements entre les cultes. Le "compromis de la trinité du Temps" aboutit à la division de l'Ar'Kalyven en trois régions indépendantes (Dord-Kalymen pour le Passé, Dord-Kalyleg pour le Présent, Dord-Kalyav pour le Futur), tout en maintenant le principe de l'unité politique : la reine demeure la seule figure nationale de par sa filiation symbolique avec Kaly, mais ne possède plus de pouvoir sur les régions du Présent et du Futur, elle n'est donc plus qu'une figure tutélaire. Le compromis édicte également l'obligation pour les fidèles de croyances minoritaires de rejoindre la région assignée à leur culte afin d'éviter tout retour au chaos. Enfin le principe de réunions décennales le jour anniversaire du concile de Kalenir entre les dirigeants des trois cultes du Temps est accepté : elles se déroulent d'ailleurs sans interruption jusqu'en 890.
Le concile de 420 refonde donc l'Ar'Kalyven sur de nouvelles bases, plus stables que les précédentes, et met fin à une période mouvementée de plus d'un siècle. Des Chroniques officielles sont élaborées à la demande de la reine Parsane par un collège de représentants des trois cultes - leur écriture, parfois difficile, s'étend sur plusieurs années. Ces Chroniques sont l'une des sources les plus importantes pour notre connaissance de la période antérieure à 420, mais sont parfois sujettes à caution, en particulier pour tout ce qui précède le concile de 337 ; aussi les historiens manient-ils avec précaution ce document, malgré tout irremplaçable.

partir de 420, l'histoire de l'Ar'Kalyven s'écrit au pluriel : si le pays demeure théoriquement uni, les trois régions évoluent de manière propre. Nous n'envisagerons pas ici l'histoire des régions séparément - il faut pour en prendre connaissance se référer aux chapitres précédents - mais uniquement ce qui touche au pays en son entier. Cela explique que les pages suivantes n'envisagent souvent que les réunions décennales, aussi appelées synodes (différentes d'un concile général : il ne s'agit que de prendre des décisions sur des points politiques, administratifs ou commerciaux ; il n'y a d'ailleurs plus de concile général après celui de 420, la réunification des trois cultes n'étant plus à l'ordre du jour durant des siècles).
Les périodes qui suivent le concile de Kalenir ont reçu une appellation traditionnelle de la part des Chronomanciens, ces historiographes du culte du Passé dont l'ordre a été fondé par la reine Parsane. Pour des raisons de commodité, nous conserverons ce découpage, bien que l'esprit d'un historien moderne puisse renâcler devant une reconstruction téléologique et extrêmement simplificatrice.



Les Premières Années


urant le siècle et demi qui suit l'apaisement consécutif au concile de Kalenir, l'Ar'Kalyven reprend peu à peu conscience du monde qui l'entoure. Depuis le milieu du troisième siècle, le pays avait en effet fonctionné en vase clos, toutes les énergies étant tournées vers les problèmes politiques et religieux intérieurs. Ce trait était bien évidemment rendu possible par l'immensité et la diversité du pays, qui peut satisfaire à tous ses besoins vitaux sans recours aux échanges extérieurs.
L'Ar'Kalyven doit d'abord affronter d'abord l'Ar'Lumn, qui s'empare progressivement dans les années 440 des régions proches de la Kalymen, jusqu'à s'emparer de la ville de Kaltera elle-même en 449. Le synode décennal de 450 marque le début de la contre-offensive, les trois régions de l'Ar'Kalyven s'unissant pour contrer la menace. La lutte, qui dure plusieurs années, est victorieuse bien que ses résultats soient mitigés : si Kaltera a été reprise ainsi que le delta de la Kalymen, une partie des terres conquises par l'Ar'Lumn une dizaine d'années plus tôt a été prise par un nouveau pays, le Per'Dellin (formé en 445). Les Delliens ayant apporté une aide importante aux Kalyviens, ces derniers ne peuvent exiger le retour des terres perdues et le Dord-Kalymen perd une partie de ses terres les plus fertiles.
C'est avec son nouveau voisin à l'ouest que l'Ar'Kalyven entretient les premières relations suivies. C'est également aux ressortissants de ce pays que les Kalyviens accordent pour la première fois un droit de libre passage dans les trois régions (il s'agit donc du premier accord international signé par le synode au nom du pays tout entier, en 480). Le droit de libre passage en Ar'Kalyven n'impose qu'une limite : les voyageurs ne doivent pas remettre en cause la religion de la région dans laquelle ils se trouvent ni évoquer la leur si elle est différente (ce qui est généralement le cas). Les Kalyviens ont accordé depuis lors le droit de libre passage à la plupart de leurs voisins, plus ou moins proches, mais il faut noter qu'ils se soucient peu de se voir rendre la pareille : ils ont rarement l'esprit aventureux ou l'instinct commercial et préfèrent attendre que le monde vienne à eux plutôt que l'inverse.

e synode de 520 marque le premier centenaire du dernier concile général en permettant à tout Kalyvien de s'installer à nouveau dans l'ensemble du pays, sans restriction liée au culte ; en revanche un adepte d'une religion minoritaire ne peut pas pratiquer sa religion hors de chez lui. Cet assouplissement considérable du compromis trinitaire est permis par l'apaisement des conflits religieux consécutifs à la régionalisation du pouvoir et de la religion.
Les "premières années" s'inscrivent dans une dynamique positive et annoncent la période suivante.



Années Fastes


endant environ deux siècles et demi, l'Ar'Kalyven connaît ensuite la période la plus faste de son histoire. Traditionnellement, les Chronomanciens la font débuter en 580-600, lorsque les nains de Durgan se voient accorder le libre passage puis, fait unique dans l'histoire du pays si l'on excepte l'arrivée vers 200 des réfugiés d'Aÿnat, le droit de s'installer en Ar'Kalyven (sous réserve, néanmoins, de ne pas déclencher, intentionnellement ou non, de problèmes de nature religieuse). Les marchands étrangers venus du Per'Dellin ou de Durgan stimulent le commerce tandis que les nains importent leur savoir-faire artisanal et les richesses circulent plus vite dans le pays, qui entre dans un cycle de prospérité.
Le libre passage est accordé ensuite successivement à l'Ar'Lumn (non sans réticences des Kalymiens en raison de la Guerre de la Kalymen), au Tor-Keralm, à l'Ar'Mirë'Ys puis à l'Ar'Ollin, stimulant régulièrement les échanges. Afin de montrer à tous les étrangers la supériorité de la culture de l'Ar'Kalyven et des cultes temporels, les cités réinvestissent les profits réalisés grâce au commerce dans des dépenses de prestige, s'ornant de palais pointés vers les cieux, développant les arts - particulièrement le théâtre et la musique.

'Ar'Kalyven s'enrichit incontestablement sur le plan économique et culturel au cours de la période. L'embellie se ressent également dans les rapports entre les trois cultes. Une sorte de tradition semble s'imposer : les centenaires du Compromis de la Trinité du Temps de 420 s'imposent comme des moments privilégiés pour réaliser des avancées positives. En 620, le synode décide l'ouverture d'un temple de chacun des cultes du Temps dans les capitales des trois régions, permettant ainsi aux fidèles des cultes minoritaires de pratiquer leurs rites : c'est un grand pas en avant par rapport à 520. En 720, de grandes réjouissances sont célébrées pour le tricentenaire dans les trois capitales, en présence des plus hauts dignitaires de chacun des cultes : les fêtes s'étalent sur plusieurs mois, dans un ordre tiré au hasard. C'est l'occasion pour les trois cultes du Temps de mesurer ce qui les rapproche, car les cérémonies sont organisées de telle manière que chaque partie puisse y retrouver des éléments cultuels et rituels.
Les espoirs suscités par le tricentenaire ont germé et nombreux sont ceux qui, autour de l'an 800, espèrent que le synode ira plus loin encore dans la voie du dialogue entre les cultes pour le quatre-centième anniversaire du compromis. Las, une grave crise interne au culte du Présent éclate en 817 et paralyse ce culte jusqu'en 826 et le synode ne peut aboutir à des avancées quelconques. L'année 820 peut donc être considérée comme une date charnière pour l'Ar'Kalyven, bien que la prospérité se poursuive au-delà : sur le plan intérieur comme sur le plan extérieur, le pays entre ensuite dans une période de turbulences.



Années Difficiles


'est d'abord vis-à-vis des autres pays que les problèmes surgissent. L'attaque de l'Ar'Lumn sur l'Ar'Mirë'Ys en 841 n'a été évoquée au synode national qu'en 850 ; condamnant l'annexion forcée réalisée sur un pays voisin et amical, l'Ar'Kalyven retire aux voyageurs de l'Ar'Lumn la liberté de passage, sans leur interdire toutefois de se rendre en Ar'Kalyven. Des mesures administratives sont prises contre l'Ar'Lumn, dont les ressortissants présents sur le sol national doivent se présenter régulièrement aux autorités. Cette décision est considérée comme outrageante par le souverain de l'Ar'Lumn et provoque des tensions importantes entre les deux pays (de manière quelque peu disproportionnée au regard de la modération dont l'Ar'Kalyven a fait preuve). En réaction à la condamnation, l'Ar'Lumn incite ses marchands à cesser tout commerce en Ar'Kalyven, ce qui se révèle particulièrement calamiteux pour l'économie du Dord-Kalyav.
Durant les synodes de 860 et 870, les représentants de cette région se prononcent donc pour une révision de la position de l'Ar'Kalyven et les débats sont assez houleux, les représentants du Passé refusant dans un premier temps de revenir sur une décision prise en commun. C'est finalement l'intervention du Tor-Keralm dans le conflit qui permet de détendre les relations avec les Lumniens, car les synodes parviennent à s'accorder sur l'idée d'une condamnation ferme du Tor-Keralm pour attendrir l'Ar'Lumn. En 860, le libre passage est retiré aux Keraliens suivant les modalités qui avaient été décidées en 850 ; en 870, les conditions de circulation des Keraliens en Ar'Kalyven sont encore durcies, ce qui permet de voir revenir des marchands lumniens (l'Ar'Kalyven devant en outre leur redonner le libre passage).

e fiasco diplomatique a révélé des dissensions dans l'approche des relations internationales, le culte du Passé désirant des condamnations fermes envers les pays violant la paix au nom du maintien du statu quo et envers l'Ar'Lumn en particulier (la guerre du cinquième siècle n'est, bien entendue, pas oubliée en Dord-Kalymen), tandis que le culte du Futur rejette des positions figées pouvant nuire aux intérêts à long terme du pays ; le culte du Présent, prenant acte des torts causés à l'économie du Dord-Kalyav, s'est rangé aux côtés des représentants de cette région. Le revers subi par le culte du Passé semble avoir favorisé une faction dure : pour la première fois depuis le règne de la reine Parsane, l'idée d'une hégémonie du culte du Passé afin de mettre fin à ce qui est perçu comme une rupture inadmissible de la tradition revient en force en Dord-Kalymen. Cette faction voit son influence grandir rapidement à partir de 870 et s'impose définitivement dans l'entourage de la reine Dersane en 889 lorsque la reine Dersane nomme Chevalier des Temps Anciens un fervent Traditionaliste du Passé.
En 890, les représentants du culte du Passé annoncent la fin des synodes décennaux tant que les autres cultes n'auront pas reconnu la prépondérance du temps passé. Durant plus d'un siècle, les relations entre les trois régions sont suspendues et le demi-millénaire du Compromis Trinitaire n'est célébré dans aucune région.



Les Années Incertaines


a période de difficultés semble prendre fin autour de l'an 1000, encore que nous manquions quelque peu de recul puisque de nombreux évènements sont loin d'avoir épuisé toutes leurs conséquences. La nouvelle période est marquée par une personnalité hors du commun, celle de la reine Hersdane ; mais comme souvent lorsque beaucoup de choses dépendent d'une individualité, un problème mineur ou personnel peut avoir des répercussions démesurées. C'est pour cela que les Chronomanciens appellent la période actuelle "les années incertaines".
En 1001, une nouvelle reine monte sur le trône au Dord-Kalymen, Hersdane ; mineure à cette date, elle est placée sous l'autorité d'un Conseil de régence dans lequel les dirigeants du culte du Passé sont prépondérants. Révoltée par les abus et l'étroitesse d'esprit de ces hauts dignitaires qui la traitent comme une marionnette sans importance, Hersdane impose un changement radical de politique après son couronnement en 1009. En 1010, elle envoie des émissaires dans les autres régions pour proposer la reprise des synodes décennaux - ce qui est accepté, la reine Hersdane s'engageant personnellement pour faire réussir l'entreprise.
Le synode de 1010 est un incontestable succès pour la reine puisqu'il entérine le principe de festivités importantes pour célébrer les six cent ans du Compromis Trinitaire. Cependant en 1019 Hersdane donne naissance à un fils, Kalev, après un accouchement extrêmement difficile et sombre dans un état particulièrement instable, oscillant entre des moments de torpeur, des accès d'angoisse terribles, des crises de délire, etc. Cet état perdure jusqu'en 1025 et ternit considérablement les célébrations de 1020, qui se déroulent hors de la présence de la reine.
En 1025, un Oracle du culte du Futur est mandé par l'époux de la reine et prédit que la santé de Hersdane ne peut s'améliorer tant que Kalev demeure auprès d'elle. Les dignitaires du Dord-Kalymen prennent donc la décision d'envoyer Kalev sur l'ile d'Oel'Selm ; toutefois il ne s'agit pas d'un simple voyage car Kalev est déchu de son rang et écarté de la succession dans le même mouvement. Cette décision surprenante prise sans la reine s'explique peut-être par les manoeuvres d'une cabale de hauts prêtres hostiles aux réformes adoptées depuis 1009. Cette faction traditionaliste aurait cherché à affaiblir la reine en verrouillant la succession et en lui enlevant une cause de joie. Cette lecture des évènements a été réalisée par plusieurs observateurs de l'Ar'Kalyven mais il est difficile de mesurer son exactitude.

'éloignement de Kalev a quoi qu'il en soit permis un rétablissement progressif de sa mère, qui retrouve pleinement sa raison ainsi que les rênes du pouvoir en 1028. Hersdane reprend à partir de 1028 ses réformes, bien que l'exil et la déchéance de son fils l'aient manifestement affecté, puisqu'elle porte le deuil une année durant.
En 1030, lors du synode décennal, elle propose d'accorder la liberté de culte (limitée bien entendu aux trois cultes du Temps) sur l'ensemble du territoire ; cette proposition très ambitieuse est rejetée à la majorité, y compris par une partie des représentants du culte du Passé, mais toutes les délégations apparaissent partagées. Selon certains observateurs, si Hersdane avait pu s'exprimer dix ans auparavant, lors de la célébration du sixième centenaire du Compromis Trinitaire, sa proposition aurait eu de fortes chances d'être acceptée en raison de la charge symbolique de cet événement.
En 1040, Hersdane lance une nouvelle proposition : que l'Ar'Kalyven intègre le Synode d'Illéranyne. Ce point suscite un ajournement de la réunion décennale, qui reprend après trois mois. Une courte majorité décide finalement de refuser la motion mais le rattachement des trois cultes au Synode est voté assez largement (ce qui d'ailleurs revient, à terme, à instaurer la liberté de culte rejetée dix ans auparavant).
Le refus de l'intégration du pays au Synode d'Illéranyne mérite quelques explications. Après son exil en Oel'Selm, Kalev a rencontré sur cette île Illénira qui y était exilée à cette époque. Lorsque son exil est levé, cette dernière emmène Kalev avec elle et l'adopte ensuite en 1036. C'est alors que les rumeurs concernant Kalev commencent à circuler dans l'ensemble de l'Ar'Kalyven : on dit notamment de lui qu'il a acquis une maîtrise des pouvoirs des trois cultes du Temps, ce qui est inouï depuis au moins 420.
La personnalité réformatrice de sa mère, l'hostilité que les traditionalistes du Passé lui manifestent et les rumeurs se conjuguent pour que Kalev apparaisse aux yeux d'une faction grandissante, les Unitaires, comme un chef naturel.
Les Unitaires désirent la réunification des cultes du Temps dans le but de restaurer le culte originel fondé par Kaly (encore qu'il paraisse douteux qu'ils puissent véritablement connaître ce culte...) ; leur mouvance est née en 920, au moment où l'absence totale de célébration du demi-millénaire du Compromis de la Trinité du Temps a démontré, selon eux, l'échec complet des conciles de 337 et 420. Mais à la différence des fidèles du Passé désireux d'étouffer les autres cultes, les Unitaires réaffirment l'unité du Temps, qui n'est pas trois mais un. Ils militent également pour des cérémonies acceptables par tous et soutiennent les réformes de Hersdane, tout en critiquant sa pusillanimité.
Depuis le début de son règne, l'audience des Unitaires s'est élargie et l'image qu'ils se forgent de Kalev les pousse à croire qu'il sera celui qui mettra fin à l'obscurcissement qui a frappé le culte du Temps près d'un millénaire auparavant, lorsque les Prophètes ont mis à mal son unité. Il faut d'ailleurs noter que Kalev ne s'est jamais exprimé en public sur les affaires internes de l'Ar'Kalyven ou des cultes du Temps : les intentions qui lui sont prêtées ne s'appuient manifestement pas sur grand-chose.
Dans tous les cas, Kalev est intrinsèquement lié à Illéranyne et la proposition de sa mère lors du synode décennal de 1040 fait craindre aux traditionalistes du Passé que l'intégration dans Illéranyne ne s'accompagne de l'annulation des sanctions prises par Kalev. Aux réticences de certains concernant l'indépendance et la spécificité de l'Ar'Kalyven se sont donc ajoutées des considérations d'assez basse politique intérieure, la conjonction de ces facteurs expliquant le refus de 1040.
Il est à noter que Kalev s'est rendu en Ar'Kalyven pour le compte d'Illéranyne au cours de l'année 1042 et qu'il a à cette occasion rencontré sa mère en privé.

'histoire la plus récente du pays est marquée d'abord par la levée de la malédiction qui pesait depuis l'an 200 sur l'Aÿnat : les habitants de ce petit pays situé au nord-est de l'Ar'Kalyven ont enfin pu sortir des ténèbres dans lesquelles ils étaient plongés. Cela a eu des répercussions sur deux plans pour les Kalyviens. Tout d'abord le libre passage a été accordé aux Aÿniens lors d'une réunion exceptionnelle du synode national qui s'est tenue en 1044 ; c'est la première fois depuis 420 que la réunion a lieu hors des rendez-vous décennaux et c'est aussi la première fois depuis les années difficiles que l'Ar'Kalyven reprend des relations positives avec ses voisins. Le caractère exceptionnel de la réunion s'explique par la forte attente générée par la levée de la malédiction chez les descendants des réfugiés d'Aÿnat venus en Ar'Kalyven peu avant l'an 200, qui n'avaient jamais pu rentrer chez eux. Affiliés en général au culte du Présent (bien qu'avec des distorsions théologiques notoires), ils ont poussé les autorités du Dord-Kalyleg à agir rapidement pour aider les Aÿniens. Une bonne part des descendants des anciens réfugiés sont par ailleurs partis pour l'Aÿnat ces dernières années.

nfin le pays traverse depuis 1046 une crise politique certaine dont les répercussions sont encore très difficiles à évaluer - il faudra sans doute attendre le synode décennal de 1050 pour y voir plus clair. Tandis que le compagnon de la reine Hersdane gisait sur son lit de mort, cloué par une terrible maladie, il a révélé les agissements des Traditionalistes du culte du Passé pour écarter Kalev et, de fil en aiguille, un complot visant à mettre fin au règne de la reine a été découvert. Les Traditionalistes semblent avoir cherché à mettre fin au rapprochement des cultes du Temps qu'ils croient observer depuis 1009 et avoir voulu écarter définitivement la menace qu'ils voient en Kalev pour leurs intérêts.
Les manoeuvres internes au culte du Passé sont rudes depuis ce moment et ont déclenché l'agitation des Unitaires vivant au Dord-Kalymen, qui se sont empressés de se ranger du côté de la reine, qui s'est alors trouvée de facto liée à leurs idéaux. Le mouvement unitaire s'est ensuite soulevé dans le pays entier, dénonçant de manière générale le clergé des cultes, accusé de chercher à maintenir des divisions hérétiques par appétit du pouvoir et ignorance. De nombreux scandales touchant des dignitaires des différents clergés du Temps ont ensuite éclaté, sans aucun doute soulevés par des Unitaires.
La situation est aujourd'hui assez incertaine mais il semble que les Unitaires gagnent du terrain, y compris à l'intérieur des clergés, les modérés ayant été choqués par des révélations successives et les scandales divers. Tous ces évènements pourraient conduire à des évolutions importantes en Ar'Kalyven.



Extraits de L'Histoire de l'Ar'Kalyven, par Kal-Natsir de l'Université de Laiirna.