Bestiaire aquatique des terres d'Oneira




Le lymanok, ou poisson noir


Lymanok, ou poisson noir.Le lymanok (de lyman, chair, et nok, noir) est un lointain parent du goujon dont il se distingue par sa taille supérieure et son adaptation à l'eau de mer. A l'exception de quelques semaines en période de reproduction, durant lesquelles le lymanok s'approche des côtes kahargiennes, on le trouve principalement au sud de la mer d'Oivan, dans une petite bande bien connue des pêcheurs de la région, qui marque la frontière inférieure de Grand-Tréfonds.
Long de deux pennes en moyenne une fois adulte (quoiqu'on ait vu quelques spécimens âgés allant jusqu'à trois pennes), sa peau est recouverte de petites écailles bombées, ressemblant à de petites pierres précieuses noires. Ses yeux, quant à eux, sont d'un rouge sombre évoquant deux rubis. Le plus étonnant concernant le lymanok apparaît au cours de sa dissection, car sa chair, de même que tous ses organes sont aussi noirs que le sont sa peau et ses écailles.
Longtemps source de mystère pour les alchimistes de tout Oneira, ce poisson a fait l'objet de nombreuses études. Lorsqu'il vit en captivité - un état qu'il tolère mal -, le lymanok perd petit à petit sa couleur noire pour virer au gris argenté. En même temps que sa couleur, le poisson perd également sa vitalité et se laisse généralement mourir de faim.
Etrangement, c'est le tremblement de terre de 986 qui a permis de résoudre l'énigme du lymanok. En remuant le fond marin, le cataclysme a remonté une large bande d'algues filandreuses dont les innombrables fleurs, petites sphères d'un vert très sombre, contiennent une teinture noire extrêmement concentrée et légèrement toxique pour la plupart des espèces. Les fleurs de cette plante aquatique, la veiinok, constituent vraisemblablement le régime alimentaire principal du lymanok.
On sait peu de choses sur le mode de reproduction de ce poisson, sinon qu'il migre vers les côtes pour pondre jusqu'à deux milles ½ufs par femelle et par cycle. A cette occasion, on pêche beaucoup plus facilement le lymanok, mais cette activité a été régulée par un arrêté du Conseil d'Illéranyne afin d'éviter une diminution trop importante de la population (de fait, la commercialisation de femelles pleines est désormais strictement interdite). La période de reproduction du lymanok dépend quasi uniquement de la température de l'eau et de la quantité de graisse de la femelle, qui ne se nourrit pas en zone de reproduction. On a ainsi pu pêcher le poisson noir en eau relativement peu profonde lors de certains hivers particulièrement doux.
Le lymanok doit sa réputation à son aspect. Malgré une chair au goût somme toute assez commun (relativement proche de la truite, quoique nettement plus salé et d'une saveur plus fade), la peau de ce poisson, correctement préparée, forme une croûte croustillante et d'un aspect particulièrement esthétique qui a su conquérir les assiettes des nobles d'Ar'Thard et d'Ar'Nok, probablement les seuls individus suffisamment riches et excentriques pour payer aussi cher (la pêche de ce poisson des profondeurs n'est pas aisée) une chair dont le principal mérite est sa couleur atypique.
On notera cependant que ces dernières années, le lymanok, grâce (ou à cause, en l'occurrence) à son aspect et son prix prohibitif, prend peu à peu sa place parmi les mets de choix des plus grandes tables d'Oneira, et si à l'origine il n'était consommé pratiquement que dans le sud-est d'Oneira, bien rares sont les gourmets fortunés à n'avoir pas tenté de l'accommoder pour le rendre digne des plus grands palais.

Extrait de Secrets de l'Oivan, par Eg-Forener.

La moule verte du Damirë


Mollusque à la coquille bivalve, la moule comporte sur celle-ci un pied lui permettant de se fixer à un support qu'elle ne quittera plus ; deux muscles à l'avant et à l'arrière de la coquille permettent d'ouvrir et de fermer celle ci. Cette coquille grandit en même temps que la moule, dont le derme intérieur sécrète la coquille en vieillissant ; le nombre de strates sur la coquille permet d'ailleurs de donner l'âge d'une moule.
Accrochée aux rochers ou aux pilotis de la baie damiréenne, la moule verte est réputée pour sa rapidité de croissance, son invulnérabilité quasi complète aux prédateurs animaux, et sa saveur incomparable, d'où un engouement général pour cet animal. Facile à produire et à consommer, elle est ramassée durant les mois chauds ; n'importe quel village de l'Est du Damirë comporte le matin des étals proposant la dernière récolte de moules vertes. L'hiver, elle est conservée en bocaux dans du vinaigre, et très appréciée à picorer les après midi d'oisiveté.
Outre l'appréciation culinaire de cette charmante créature, son apport à l'artisanat nous intéresse également ; en effet, lors de la séparation de son support, elle sécrète un liquide épais et d'un vert émeraude, sans doute toxique pour les rares oiseaux qui se risquent à tenter l'ouverture de leur épaisse coquille, mais inoffensif pour ses consommateurs humains. Précieusement récolté, il est ensuite filtré, délayé et enrichi à l'oxyde de cuivre, donnant l'encre de moule, réputée dans la plupart des scriptoriums de l'Ouest d'Oneira. De plus, sa coquille verte est utilisée en bijouterie, par exemple sous forme de perles, étant considérée comme porte bonheur. Réduite en poudre, elle peut constituer un excellent paillon sous un décor d'émail cloisonné. Elle peut également être découpée et utilisée comme tesselle dans la réalisation de mosaïques fines.
Expression associée : dire d'un pré qu'il est "vert de moule" présage une bonne récolte.

Extrait du Journal du Bol Doré.