Mythes, contes, légendes et croyances du peuple Nelgan
Le prince Irn et la princesse Len
e conte bien connu de la tradition nelganne date probablement d'avant l'An 0, alors que les Nelgan parcouraient le nord d'Oneira à la recherche d'un moyen de gagner l'Ar'Anena. D'après les descriptions du conte, qui évoque l'immensité de steppes herbeuses, il est fort probable que l'histoire eut lieu ou fut imaginée alors que l'Ar'Anena survolait l'actuel Daafeld. On peut donc approximativement le dater entre -3000 et l'An 0.
Le récit raconte ceci : Le jeune prince Irn, qui avait reçu à la naissance une vue perçante, contemplait du haut d'Anena les plaines se déroulant sous lui, rêvant de chasse et de liberté et d'un moyen de s'évader de son île-prison tandis qu'au même moment, la princesse Len, fille de Nelgan et détentrice des Yeux d'Asthar, contemplait la blancheur du pays flottant et enviait ses splendeurs et l'aisance de la vie qu'on devait y mener. Un extrait écrit de ce conte, parmi les plus anciens, dit cela :
« Or, par les Yeux d'Asthar, la seconde vue de la princesse se posa sur Irn et elle fut charmée par sa grâce au point qu'elle en perdit le désir de manger et de dormir et que les larmes coulaient sur ses joues sans s'arrêter, car jamais une Nelgan et un Anenien ne pourraient se connaître. Trois nuits durant, elle implora les dieux et la Force avec une telle foi et une telle volonté qu'ils se plièrent à ses désirs, et ainsi Irn et Len se virent en rêve, et leur amour naquit. A l'aube, le charme rompu, ils furent séparés et leur chagrin fut immense et réciproque. Alors Irn, qui était habile de ses mains, se retira dans son atelier et il forgea pour en faire un bracelet la chaîne d'or la plus fine et la plus belle qu'on eût jamais vue. Il y mit tout son amour et tout son désir et lorsqu'elle fut achevée, il prit deux plumes de son oiseau préféré et les attacha au bijou qu'il jeta dans les airs pour qu'il flotte jusqu'à sa bien-aimée. Len reçut le présent et comprit qu'il s'agissait du gage d'amour du prince. Alors qu'elle caressait les plumes, une idée lui vint et son coeur se mit au travail : à travers ses mains, sa magie s'écoula, ajouta à la chaîne d'or un maillon de magie, et un autre, et un autre, et ainsi elle tissa toute la nuit une immense chaîne de magie, assez longue pour atteindre Anena. Ses yeux pâlirent et ses cheveux blanchirent tandis que la magie s'écoulait de son coeur, et son père le roi vint l'avertir du danger, mais Len n'écouta pas. Lorsque son oeuvre fut achevée, elle appela en songe son bien-aimé, et il noua lui aussi son coeur et sa magie pour saisir l'extrémité de la chaîne qu'il hissa jusqu'à Anena et tint fermement tandis que la belle Len montait. Or l'ascension fut longue et pénible, et Len consuma sa dernière étincelle de magie : lorsqu'elle fut dans les bras d'Irn, la chaîne fondit et disparut, condamnant tout retour. On organisa de grandes fêtes pour la princesse, et on l'accueillit comme une soeur et une amie bien aimée. Comme elle l'avait souhaité, elle épousa Irn et porta ses enfants, mais alors que la magie l'avait quittée, les Yeux d'Asthar demeuraient et sans cesse elle voyait le roi, son père, qui se lamentait en tenant dans sa grande main la minuscule chaîne d'or. Bientôt, Len ne vit plus la beauté du pays blanc, et même si elle aimait Irn et ses enfants, elle était torturée par la vue de la terre sous Anena. L'envie de voyager était comme une soif qu'elle ne pouvait étancher, et le désir de voir sa famille éteignait tous les autres appétits. »
Différentes version se partagent la fin du conte. Pour certains, Len finit par succomber de chagrin en dépit de l'amour d'Irn, pour d'autres elle se jette dans le vide en espérant voler jusqu'à son père et se transforme en oiseau, perdue pour toujours à la fois pour Irn et pour le peuple Nelgan, mais elle assouvit son désir de voyage. On ne sait si l'histoire d'Irn et de Len se déroula réellement (mais on sait de source sûre qu'il exista un prince Irnor qui épousa une princesse Elen probablement au premier siècle avant l'An 0). L'on peut voir dans cette histoire plusieurs symboles : d'abord elle fut peut-être à l'origine de ce qui donna l'idée bien plus tard de forger la Dorithareln qui permet aux personnes de se rendre en Ar'Anena et d'en revenir. D'autre part, le tourment de Len fait évidemment écho à celui de tout le peuple Nelgan : le désir avide de rejoindre leurs frères aneniens mais qui se solde finalement par une déception, puisque les Nelgan sont incapables de renoncer à leur vie nomade et de choisir entre Anena et Ar'Thard. Il est intéressant de noter que ce conte date cependant de bien avant la réunion des Nelgan et des aneniens, preuve s'il en est de la sagesse des premiers qui pressentaient déjà que la réalisation de leur rêve ne serait pas la fin de leurs tourments. Les Yeux d'Asthar
e conte des Yeux d'Asthar est probablement le plus populaire parmi les Nelgan et, curieusement, celui qui connaît le moins de variantes. Il dépeint la vie du prince Asthar, qui était l'amant de la belle Loelen, fille de Kaena. Or Asthar était un renégat, un criminel sous le régime de Dar (certaines versions le présentent néanmoins comme un cousin ou un fils de Dar, mais il s'agit peut-être de prêter à sa liaison avec Loelen un caractère incestueux courant dans les mythes thardiens de l'époque, à l'instar de l'amour de Dar et de Kaena) car il désirait la paix pour son peuple. Sans entrer dans des détails qui concernent l'Histoire et non le conte, Asthar devint le chef de ceux qui désiraient fuir l'empire dans l'espoir de trouver le moyen de monter sur Anena, or il ne pouvait leur faire quitter les souterrains dans lesquels ils demeuraient cachés. Loelen, qui partageait avec Asthar la responsabilité des rebelles, se sacrifia pour eux : elle monta sur Thard-la-Haute pour distraire Dar et E'Dyrha le temps qu'Asthar et les siens s'enfuient, mais lorsqu'E'Dyrha se rendit compte de sa trahison, elle l'enferma pour la torturer et lui arracher des informations. Ainsi, Asthar quitta l'empire sans Loelen, le coeur déchiré. Il ne supporta pas la séparation et chercha à contacter son amante par tous les moyens : la magie, le chamanisme, la Force, il envoya des espions et des messages mais Loelen emprisonnée restait inaccessible. Alors Asthar se tourna vers le dieu Mulken et il conclut un pacte avec lui : en échange de ses yeux, Mulken lui donna le pouvoir de voir Loelen et de lui parler par l'esprit. Ainsi Asthar fut aveugle, mais dans des visions éveillées et dans ses rêves, il pouvait voir Loelen et la soutenir dans ses terribles épreuves. Le fils d'Asthar (nous passons ici volontairement sur le mythe de sa naissance) hérita du don de son père, lui aussi naquit aveugle mais doué d'une seconde vue qui pouvait lui permettre de voir des événements lointains et à venir et d'en prévenir les membres de son peuple. De génération en génération, les Yeux d'Asthar se transmettent, mais il faut noter que la puissance du don semble diminuer : désormais, les détenteurs des Yeux d'Asthar ne naissent plus aveugles et leur seconde vue se manifeste en général par de courtes prémonitions qui ne permettent en aucun cas de communiquer à distance.
Le chemin d'Ielena
elena était la Nelgon de son peuple, car elle n'avait pas eu de frère, et son fils Est devait lui succéder après sa mort, or Ielena était inquiète : le jeune homme était aveugle (une tare par ailleurs courante chez les Nelgan) et comme il n'avait pas reçu le don de Mulken qui permet de se mouvoir dans les ténèbres, ni le don des Yeux d'Asthar qui pallient la cécité, une fois Nelgon à son tour, il serait incapable de guider le Nelgalir sur les sentiers d'Oneira. Trois fois, Ielena parcourut le long sentier de Thard à la Passe de Dhara (l'on peut donc supposer ce mythe postérieur à -4000, la présence des Nelgan dans l'actuel Ar'Lumn n'étant avérée qu'à partir de cette date), se demandant si elle devait choisir un autre héritier, mais Est était le plus sage et le plus juste des membres du Nelgalir et elle ne pouvait renoncer à le prendre comme héritier. En Mirë-Mean, devant les pierres de la Lirini, elle eut l'idée de faire ériger par les siens des pierres dressées, et elle les grava elle-même d'un sceau magique qu'Est, qui était un grand mage, pouvait sentir et suivre. Aujourd'hui, les pierres d'Ielena sont un repère pour tous les Nelgan qui y font une halte systématique pour plusieurs jours, sûrs de bénéficier de la protection de la magie d'Ielena tant qu'ils restent à proximité.
La protection de Dar
l ne s'agit pas ici d'un unique récit, mais d'une multitude de petits contes, à la fois d'origine nelganne et d'autres peuples, qui racontent comment un Nelgan fut sauvé par la miraculeuse intervention de Dar. Dans les contes nelgans, Dar apparaît comme un protecteur repenti après avoir persécuté une partie de son peuple, et la moralité incite au pardon et à la réconciliation. Dans les contes issus du folklore des pays traversés par les Nelgan, il s'agit d'une mise en garde : les Nelgan sont les âmes damnées du terrible Dar qui châtiera cruellement qui s'en prend à ses esclaves. Plus rarement, ces contes étrangers présentent la chose sous un jour moins sombre : les Nelgan sont sous la protection du Gardien Dar et il faut les éviter autant que possible de peur de s'attirer son courroux.