Textes et légendes de Mar'Ini'Uyn
Le Roi à l'Epée de Bois
elle assemblée, laissez-moi vous conter l'histoire du Roi à l'épée de bois, qui jamais contre son frère, ne leva le fer.
Car il était une fois, au temps de l'ancienne magie sur la terre des Milles Rois au coeur de Mar'Ini, un royaume petit, mais empli de vie. Mes amis, je vous le dis, c'était bonheur de contempler ce peuple hardi et fier retournant sa terre. Il était conduit d'une voix de velours par un roi sage et sans atours. Or, cet homme avait deux fils, égaux en force et en malice, mais si l'un était savoir, l'autre était pouvoir.
Hélas, mille fois hélas, les hommes, fussent-ils rois ou sages, toujours trépassent, et le bon roi sentit un jour de froid que son prochain sommeil serait trépas. Aîné et puîné furent convoqués pour à chacun leur confier, de ses terres, la moitié. Mais avisé il était, et les guerres il craignait. Ce pourquoi, à ses fils fit jurer que frère contre frère, jamais contre l'autre ne lèveraient le fer.
Oui-da, ensemble, sur le dernier soupir du père ils jurèrent qu'au grand jamais, contre l'autre, ils ne lèveraient le fer.
Du premier frère, le royaume demeura prospère. Il suivit la voie du savoir et pas une fois, ne renia sa foi. Il était Roi sans le dire, par ses actes, sans fléchir. Et lorsque quelqu'un tombait, il le relevait, ainsi les récoltes excédaient, et ainsi elles se partageaient.
Du second frère, au contraire, le peuple se mit à craindre couronne et main de fer. Car si un homme faiblissait, à terre, on le laissait. "C'est justice disait-il, la faiblesse je bannirai", et quand on le contredisait, il criait : "Je suis le Roi, le Roi de Fer, mes mots sont loi, la vie amère".
Disparue alors, l'unité du royaume d'antan. La misère fait mauvaise frontière, on la méprise, elle nous hait. Les deux royaumes s'oubliaient, négligeaient d'être frères.
Vint alors ce que le Père-le-Roi avait prédit et voulu empêcher sans, par Tani, y arriver.
Le second frère arma son peuple d'épées de fer et contre son aîné marcha au clair. Son pouvoir se faisait colère, la richesse qu'il n'acquérait point était la faute de son voisin, un frère roi, traître rat : "Tu me voles les terres, les champs les plus prospères, les hommes, les femmes les plus hardis et même les enfants les mieux bâtis".
Ce voyant, l'aîné fut tenté par les mêmes manières, de répondre à ces accusations guerrières. Mais il avait fait une promesse et, honneur au coeur, il serait sans faiblesse. Jamais ne lèverait le fer contre son propre frère, dût-il mourir d'être resté fier.
Ainsi laissa là son épée des jours de guerre, et une nouvelle arme se fit faire. Mais pour lame, il renia le fer comme l'avait promis à son père. A son peuple, à chacun, à lui, il offrit, cadeau de roi, une épée de bois. En un seul point la sienne différait, car sa poignée en or était.
Quand vint l'heure du combat, Roi de Fer au coeur de pierre rit beaucoup de son frère. Le Roi de Bois se tenait droit, accompagné de sa seule foi. Son armée n'était pas faite de soldat, mais d'un peuple aux abois. Aux abois ? Pas tant que ça ! Même sans fer, il restait fier, quoique stupide il faut croire, de suivre leur roi sans espoir.
Le Roi de Fer rit, sachant la bataille remportée, "Que peut un arbre mort contre mon fer si fort ?". Alors, carnassier, à son armée ordonna d'attaquer l'autre Roi.
Mais rien ne se passa. Ses généraux restèrent cois. Il éructa et hurla "Je suis Roi !", que ses ordres étaient loi, mais son armée, non, ne bougea pas. Car en voyant le Roi à l'épée de bois marcher avec coeur, et son peuple sans peur, tenir sa promesse même en temps de détresse, chaque soldat rejeta le fer ; ils se souvinrent qu'ils étaient tous frères.
Le Roi de Bois était devenu le Roi des Rois.
Le royaume qui fut un, puis deux, redevint un seul coeur, ni fer ni pierre mais plus précieux que l'or qui dort, plus merveilleux que le bois qui croît.
Le Roi de Fer, lâcha son épée, s'exila de nombreuses années. Lentement il apprit, puis comprit, puis revint par ici. Le coeur libéré, prêt à se faire pardonner. Il jeta sa couronne rouillée pour se faire chevalier. "Mon frère, je serai ton fer, ton allié désormais. Je jure de vous protéger, toi, ton peuple et ta lignée".
L'histoire est ancienne et les paroles miennes, mais ces mots sont vérité et déjà vous le savez. Oui, les Frères de Fer marchent encore en nos contrées, et si un jour vous les croisez, vous ne serez plus étonné de constater que leur emblème arboré, depuis et pour toujours, est une épée de bois, à la garde dorée.
Extrait des Contes du Fleuve d'Or de Balan-Irnivan.