Le jeu du Chaland




armi les nombreuses activités ludiques qui naissent dans les tavernes et autres estaminets de notre belle Oneira, celui ci remporte ma préférence...
Qui ne s'est jamais arrêté à un comptoir savourer un rafraîchissement opportun par une chaude journée d'été, ou au contraire une bonne tisane par grand froid ? Ainsi accoudé, quoi de plus commun que de s'occuper les mains ? Une allumette qui traîne, un fermail sur la manche, tout est bon pour faire gigoter nos extrémités digitales... c'est ainsi qu'on se retrouve souvent à jouer avec une petite pièce de monnaie abandonnée au fond de nos chausses, ou esseulée dans la bourse. Il arrive que la dite pièce tombe dans une fissure du bois du comptoir pour ne jamais reparaître... il arrive qu'une cavité creusée par l'usure dans la tablée fasse une bonne cible à cette pièce...
Différent selon les régions, les époques, son origine exacte et la date de sa création ; un nain vous jurera sur sa hache qu'il faut enquêter en An'Lay'Sur pour en dénicher la naissance. "Où y a t il plus de tavernes que dans les villes naines ?" Un eranien vous promettra tout la gloire de Délomaque que le jeu vient de chez lui... et ainsi de suite tout autour d'Oneira.
En vérité, là n'est pas l'objet de nos réflexions, puisqu'il s'agit maintenant de vous initier aux plaisirs de ce beau jeu, simple mais efficace pour tuer le temps qui passe.
A l'origine, donc, joué sur ces fameux comptoirs et tables, les menuisiers délivrent maintenant de petites caisses faisant un merveilleux terrain de jeu. Longues de quelques pennes, ces caisses comportent un pan supérieur incliné, donc la partie supérieure est percée de trois trous à l'Est d'Oneira, cinq trous dans les pays du Sud, et autres diverses variantes régionales... Creuse, la caisse est munie en bas d'un tiroir permettant de récupérer les boules, palets, ou pièces, que les joueurs doivent jeter dans les trous pendant le déroulement du jeu. Le plateau de jeu peut être plus ou moins sophistiqué ; les plus simples ont le plan lisse, uniquement pourvu de ces trous. D'autres plus évolués, comportent des rigoles ou de petites baguettes de bois, plus ou moins ornées, qui dirigent différemment les pièces lancées.
Différentes règles existent, tournant toutes autour de cette base : viser les trous avec des projectiles. Les plus répandus sont les pièces ; quand les joueurs ne peuvent récupérer leur mise, elles font un apport non négligeable à l'aubergiste, qui, une fois l'établissement fermé, peuvent vider la caisse des mises de la journée...
Quelques exemples de ces manières de jouer :
Dans une caisse comportant cinq trous, la première pièce lancée immobilise le trou dans lequel elle passe. Durant le reste de la partie, ce trou est dit invisible, et fait perdre des points au malheureux joueur qui y fait tomber sa pièce. Puis, différentes combinaisons doivent être réalisées pour cumuler des points et gagner la partie. Par exemple, si les trous sont nommés de 1 à 5, de gauche à droite, et que le trou 4 est invisible, il s'agit de réaliser des combinaisons comme '3, 5, 1, 2' ou '2, 3, 1, 5'. Jusqu'à six combinaisons doivent être enchaînées le plus rapidement possible ; le premier joueur qui y parvient gagne alors la partie.
Dans une caisse comportant trois trous, on peut rendre invisibles deux de ces orifices ; la difficulté est alors corsée puisqu'un seul trou reste disponible aux joueurs. Celui qui arrive alors à en entrer le plus possible remporte la partie. Par exemple, le premier joueur parvient à lancer quatre pièces dans le bon trou, puis en fait tomber une cinquième dans un des trous invisibles ; il a alors 4 points, et s'arrête de jouer. Le suivant, s'il veut gagner, devra alors dépasser ces 4 points.
Le jeu connaît autant de variantes que l'imagination des joueurs permet d'en créer, de même que la créativité des menuisiers qui peuvent ajouter des trous et complexifier les plans de jeu.
Voici donc l'exemple d'un jeu qui a su traverser les frontières et se répandre quelques soient les naissances, les races, et les cultures des différents joueurs... Attention cependant aux leinan qui savent très bien s'y prendre pour plumer le chaland ! D'où le nom le plus courant donné à cette occupation de comptoir...

Extrait des "Cultures tavernières", par Ob-Begimir.