Les margefacts, ou charmes de sorciers




Charme de la princesse Malyra du Roban.
arallèles aux artefacts des mages, les charmes sont des objets créés par les sorciers dans le but de produire un effet magique sur qui le porte ou l'utilise. On donne aux charmes de sorciers de nombreux noms parmi lesquels on relèvera plus spécifiquement : margefact, perlier, artefact sorcier, charme-amulette, ainsi que les dénominations oneiriennes : lieriel en langage courant, lierinïel en nalëln.
Dans le présent exposé, nous parlerons ainsi de margefact ou de charme, en établissant la claire distinction que le terme "charme" ne désignera pas un enchantement magique mais bel et bien l'objet magique, produit du travail d'un sorcier-margefacteur.
Ainsi, le terme margefact désigne tout objet magique produit par un sorcier et qui ne sera ni une potion ni son flacon, ni le produit de la préparation, de la cuisson, de la réduction, de la distillation ou de la macération d'ingrédients magiques, car le margefact agit par sa forme avant ses composés, à la différence de la potion pour laquelle la composition prime sur le reste et du talisman qui est l'assemblage de plusieurs composés naturels ou élaborés.
Certains ont établi un parallèle entre le margefact et la magie des pictogrammes, en ce sens que la forme du charme influence la magie avant même que la nature essentielle des composés de l'objet n'oriente ses effets. Un margefact est donc le résultat de l'assemblage d'objets et de matières selon un schéma précis. Parmi les composés les plus ordinaires, on notera pour la structure : le bois (sculpté ou brut sous forme de brindilles), les métaux vils ou précieux, plus rarement la terre cuite. En complément de la structure, on pourra adjoindre du crin, des cheveux, due fil de lin ou de soie ou des filaments métalliques. Enfin, une multitude d'objets pourront être ajoutés : perles de bois, de terre, de verre ou de cristal, pierreries et cristaux, brindilles, plumes, feuilles, baies, grelots et clochettes, rubans, cordes ou tressages...
Rappelons encore une fois qu'à la différence de l'artefact qui est tissé de magie durant sa fabrication ou enchanté à terme, le margefact n'est que rarement magique en lui-même. C'est sa forme avant tout qui produit l'effet magique qui sera affiné par l'utilisation d'objets dont la magie aura été révélée, ou encore de symboles appelant à l'intention ou aux croyances de son créateur ou de son utilisateur.
Contrairement aux artefacts, les charmes sorciers sont rarement conçus pour affronter le temps. La nature même de ces objets les rend plus efficaces dans un contexte : ils peuvent ainsi être appariés à une personne ou à un lieu, et ainsi leur transmission sera souvent délicate. Un charme pourra ainsi être accordé à une personne précise grâce à l'utilisation de matières et de formes qui renforcent sa perception de l'objet et de ses effets, ou bien plus largement à un lieu (le plus souvent une maison, un jardin, une cour...) et perdra de son efficacité avec le temps, la construction de nouveaux bâtiments ou la croissance de nouveaux arbres dans l'entourage direct de l'objet. Dans certains cas, par exemple un charme destiné à améliorer la production d'un potager, l'objet devra être apparié à la fois au lieu et à son jardinier. Il appartient donc au sorcier de fabriquer des charmes très personnels et de les installer : chaque pièce est donc pratiquement unique.
Cependant, certains sorciers réputés ont trouvé le moyen d'accorder leurs margefacts à des familles entières ou à un contexte géographique profond qui ne dépend pas des constructions ou autres éléments plus ou moins durables. Ainsi il existe de rares exemples de margefacts vieux de plusieurs siècles et toujours efficaces, parmi lesquels on pourra citer le superbe carillon d'Imëa qui préserve la ville et ses environs des crues du printemps, le perlier d'Andilë qui a permis la création des sublimes jardins en terrasse de la cité, ou encore le redoutable margefact d'argent de Mevyran qui protège depuis près de sept siècles la ville de la foudre et des incendies.
Bien qu'on ne puisse parler de "margefact de volonté", tous les charmes étant par essence d'usage perpétuel, l'on pourra classifier les margefacts selon plusieurs méthodes , comme leur durée de vie ou leur champ d'application, à l'instar des artefacts. On parlera ainsi de charmes éphémères (quelques heures, quelques jours, une saison...) et de charmes durables (accordés à une personne ou à un lieu) pour la question de la durée de vie. Concernant le champ d'application, on nommera parmi les plus évidents les charmes personnels, les charmes de lieu, les charmes de famille.
Il sera utile de se souvenir dans certaines régions que les fées exécutent occasionnellement des charmes éphémères mais d'une grande puissance à l'aide de soie d'araignée et de gouttes de sève ou de rosée. Certains peuvent s'avérer très vastes et couvrir ainsi une zone jusqu'à un étan. On enseigne aux enfants la confection de charmes composés de brindilles, de feuilles et de fleurs et dont la durée de vie n'excède pas celle des plantes coupées. Rarement très efficaces, il peut s'agir ainsi de petits charmes de protection, d'innocence, de croyance pour renforcer les jeux, de bien-être, etc. Dérivé direct, on pourra également mentionner les charmes de famille, généralement simples assemblages de branchages et de verdure suspendus dans un jardin ou sur une porte à certaines occasions festives ou au cours de certaines saisons et dont l'utilité peut varier : préservation des récoltes, protection contre le vol, les incendies et les tempêtes, charme de joie ou de bon accueil, etc. Il appartient à la magie de famille d'établir les formes et les composés les plus adaptés à chaque foyer, ce qui a donné lieu dans certaines régions à des productions des plus intéressantes dont les artistes s'inspirent volontiers dans de tout autres domaines.

Extrait de Margefacts, perliers et autres merveilles, par Am-Violara.



La corde-roigon


La corde-roigon est un objet très particulier, souvent lié aux traditions des seigneurs du cheval et que l'on peut se procurer soit auprès de ce peuple soit auprès des sorciers qui soit les fabriquent eux-mêmes soit les troquent avec les premiers. Il s'agit d'un morceau de corde grisâtre d'aspect quelconque, voire franchement laid, d'une longueur approximative de deux pennes, lisse au toucher et assez raide pour conserver la forme qu'on lui imprime par torsion pour être portée comme collier ou bracelet. Le possesseur d'un roigon peut insuffler dans l'objet un message, un souvenir, une connaissance, ou une part de son être et qui sera accessible à un héritier désigné (un frère, un fils, un ami, un héritier spirituel, etc...). En portant l'objet, l'héritier pourra, soit du vivant de son ascendant soit après sa mort, partager ce qui a été enfermé dans le roigon : il entendra le message, partagera le souvenir ou la connaissance, ou encore connaîtra de nouvelles conversations avec celui qui lui a insufflé une partie de lui. Selon la légende, un roigon est toujours plus complexe qu'il n'y paraît : chaque utilisation par celui que nous nommons par commodité "héritier" lui fera découvrir un détail nouveau, un enseignement différent, etc. en fonction de son état d'esprit ou de la période de sa vie. Ainsi, le roigon est-il un objet précieux que l'on conserve jusqu'à sa mort et que l'on pourra même transmettre de génération en génération : il s'enrichit alors de l'expérience et de la sagesse de tous ceux qui l'ont porté. D'intime, il devient impersonnel mais aussi plus profond, habité d'une sagesse proportionnelle à celle de ses porteurs. La plus ancienne corde-roigon connue à ce jour se transmet de père en fils dans la famille Zenar de l'île Shek.

Extrait de Art et Artisanat des Seigneurs du Cheval, par Violë-Marn.